Ah le régime social et fiscal des indemnités de rupture ... une histoire compliquée.
Voyons d'abord le régime légal social de l'article L. 242-1 alinéa 10 du Code de la sécurité sociale:
"Est exclue de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa, dans la limite d'un montant fixé à deux fois la valeur annuelle du plafond mentionné à l'article L. 241-3, la part des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail ou de la cessation forcée des fonctions de mandataires sociaux, dirigeants et personnes visées à l'article 80 ter du code général des impôts qui n'est pas imposable en application de l'article 80 duodecies du même code. (...)"
Au vu de cet article, le régime social est aligné sur le régime fiscal (dans la limite de 2 fois le PASS): est exclue de l'assiette des cotisations la fraction des indemnités versées à l'occasion de la rupture du contrat de travail qui n'est pas imposable en application de l'article 80 duodecies du Code général des impôts.
Voyons ensuite le régime légal fiscal de l'article 80 duodecies du Code général des impôts:
"1. Toute indemnité versée à l'occasion de la rupture du contrat de travail constitue une rémunération imposable, sous réserve des dispositions suivantes.
Ne constituent pas une rémunération imposable :
(...)
3° La fraction des indemnités de licenciement versées en dehors du cadre d'un plan de sauvegarde de l'emploi au sens des articles L. 1233-32 et L. 1233-61 à L. 1233-64 du code du travail, qui n'excède pas :
a) Soit deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de six fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date du versement des indemnités ;
b) Soit le montant de l'indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche, par l'accord professionnel ou interprofessionnel ou, à défaut, par la loi,
(...)"
Au vu de cet article, la fraction des indemnités qui n'excède pas le plus élevé des deux montants entre a) dans la limite de 6 PASS, 2 fois la rémunération annuelle ou 0,5 fois les indemnités selon celui qui est le plus élevé et b) l'indemnité légale ou conventionnelle, n'est pas imposable.
Conséquence : la fraction des indemnités qui n'excède pas le plus élevé des deux montants entre a) dans la limite de 6 PASS, 2 fois la rémunération annuelle ou 0,5 fois les indemnités selon celui qui est le plus élevé et b) l'indemnité légale ou conventionnelle, le tout pris dans la limite de 2 PASS, n'est pas assujettie à cotisations sociales.
Et du côté de l'interprétation jurisprudentielle ?
La Cour de Cassation a souvent jugé que les sommes ne faisant pas partie des indemnités limitativement énumérées par l’article 80 duodecies du CGI devaient être incluses dans l’assiette des cotisations sociales.
Coup de tonnerre!! Cass. Civ. 2e 15 mars 2018 n°17-11.336 + Cass. Civ. 2e 15 mars 2018 n°17-10.325
La Cour de Cassation rompt avec la jurisprudence précitée en ne faisant plus référence aux indemnités limitativement énumérées à l’article 80 duodecies du CGI.
Elle précise que:
les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail (autres que celles mentionnées à l’article L 242-1 du CSS alinéa 10) sont comprises dans l’assiette de cotisations de sécurité sociale,
à moins que l’employeur rapporte la preuve qu’elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l’indemnisation d’un préjudice.
En d'autres termes, sont exclues de cotisations sociales:
comme d'habitude, les indemnités mentionnées à l'article L. 242-1 alinéa 10 du Code de la sécurité sociale
nouvellement, les indemnités pour lesquelles l'employeur rapporte la preuve qu'elles concourent à l'indemnisation d'un préjudice
Reste à rapporter cette preuve, ce qui ne sera sans doute pas si aisée ...
Cass. Civ. 2e 15 mars 2018 n°17-11.336:
"Mais attendu qu'il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale que les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail autres que les indemnités mentionnées au dixième alinéa, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, sont comprises dans l'assiette de cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, à moins que l'employeur rapporte la preuve qu'elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice ;
Et attendu que l'arrêt retient que les courriers adressés par les salariés concernés, prenant acte de leur départ en retraite, commencent par les termes : « Dans les conditions actuelles d'exercice de ma collaboration, je vous informe par la présente de ma décision de faire valoir mes droits à la retraite », chaque salarié précisant qu'il fera valoir ses droits à la retraite au terme de son préavis ; que certains salariés demandent rapidement, en fait, à ne pas effectuer l'intégralité de leur préavis ; qu'en réponse à ces lettres, la société va toujours se déclarer surprise ; qu'en réplique, chacun des salariés va saisir l'occasion pour contester le caractère volontaire du départ et la situation pécuniaire difficile dans laquelle ils se retrouvent placés ; que la plupart des courriers par lesquels la société, tout en se disant surprise de la demande du salarié, accepte la décision de celui-ci, sont signés par M. X... (ou en son nom), alors que lui-même a utilisé exactement les mêmes termes dans la lettre qu'il a adressée à la société pour l'informer de sa décision de faire valoir ses droits à la retraite, le 14 septembre 2007 ; que les protocoles ont prévu que les indemnités seront soumises à cotisations sociales et qu'il est impossible dès lors de considérer qu'elles ont le caractère de dommages-intérêts ;
Que de ces constatations relevant de son pouvoir souverain d'appréciation de la valeur des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, faisant ressortir que la société ne rapportait pas la preuve que les indemnités litigieuses compensaient un préjudice pour les salariés, la cour d'appel en a exactement déduit que les sommes en cause devaient entrer dans l'assiette de cotisations sociales"
Cass. Civ. 2e 15 mars 2018 n°17-10.325:
"Mais attendu qu'il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale que les sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail autres que les indemnités mentionnées au dixième alinéa, dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, sont comprises dans l'assiette des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, à moins que l'employeur rapporte la preuve qu'elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l'indemnisation d'un préjudice ;
Et attendu que l'arrêt retient que les termes des protocoles sont clairs, précis, sans ambiguïté et que la volonté des parties y est clairement exprimée ; que la rupture du contrat de travail reste un licenciement pour faute grave et l'indemnité transactionnelle ne comporte aucune indemnité de préavis et de licenciement ; que le salarié n'exécutera aucun préavis et s'engage à ne demander aucune autre indemnité et à ne poursuivre aucun contentieux ; qu'il relève qu'il importe peu que la phrase "le salarié renonce à demander une indemnité de préavis" ne figure pas en toutes lettres dans chaque document alors que ce dernier "renonce expressément à toute demande tendant au paiement de toute indemnité et/ou somme de toute nature résultant de la conclusion, de l'exécution et/ou de la rupture de son contrat" ;
Que de ces constatations, procédant de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de fait et de preuve débattus devant elle, faisant ressortir que la preuve était rapportée par la société que l'indemnité transactionnelle litigieuse avait un fondement exclusivement indemnitaire, la cour d'appel en a exactement déduit que celle-ci n'entrait pas dans l'assiette des cotisations sociales"
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