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Surveillance du salarié: licite ?

Dernière mise à jour : 19 mars 2018

Cass. Soc. 5 novembre 2014 n°13-18.427


Mode de preuve illicite :

  • les comptes-rendus de filature établis par un détective privé, donc sans information préalable du salarié, constituent un mode de preuve illicite des manquements du salarié (Cass. Soc. 22 mai 1995 n°93-44.078; Cass. Soc. 23 novembre 2005 n°03-41.401)

  • les constatations obtenues par des personnes qui se présentent comme de simples clients, sans révéler leurs vraies qualités et le vrai but de leur visite, sont clandestines et déloyales : elles sont illicites (Cass. Soc. 18 mars 2008 n°06-45.093)

  • l’utilisation de lettres piégées (diffusant une encre bleue si elles sont ouvertes) à l’insu du personnel de tri-collecte du courrier constitue un stratagème rendant illicite le moyen de preuve obtenu (Cass. Soc. 4 juillet 2012 n°11-30.266)


Mode preuve licite:

  • la simple surveillance d’un salarié, faite sur les lieux de travail par son supérieur hiérarchique ou un service interne à l’entreprise chargé de cette mission, même en l’absence d’information préalable du salarié ou d’information/consultation du comité d’entreprise, ne constitue pas un mode de preuve illicite (Cass. Soc. 26 avril 2006 n°04-43.582; Cass. Soc. 4 juillet 2012 n°11-14.241))


Le présent arrêt vient rappeler ces dernières jurisprudences.


L’état d’esprit de ces jurisprudences est que :

  • seules les surveillances exceptionnelles (détective privé, logiciel installé sur une caisse enregistreuse non destiné initialement à surveiller l’activité du salarié, ...) et non les surveillances dérivant de l’exercice normal des fonctions du salarié (supérieur hiérarchique, service interne chargé d’une mission de surveillance, ...), doivent être portées à la connaissance du salarié,

  • toutes doivent se garder de porter atteinte à sa vie privée,

  • toutes doivent être loyales (le stratagème vicie la preuve obtenue).


« Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 28 mars 2013), que M. X..., engagé à compter du 28 novembre 1995 en qualité de contrôleur par la société Sqybus, était en dernier lieu chef de contrôle trafic voyageur ; qu'il a été licencié pour faute grave par lettre du 25 janvier 2010 ;


Attendu que le salarié fait grief à l'arrêt de dire son licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse et de le débouter de ses demandes liées à la rupture alors, selon le moyen :


1°/ qu'une filature organisée par un employeur pour contrôler et surveiller l'activité d'un salarié constitue un mode de preuve illicite dès lors qu'elle implique nécessairement une atteinte à la vie privée de ce dernier, insusceptible d'être justifiée, eu égard à son caractère disproportionné, par les intérêts légitimes de l'employeur ; que pour déclarer le licenciement de M. X... justifié par une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel s'est fondée sur les rapports établis par le personnel de surveillance missionné par l'employeur, la société Sqybus, au terme de leurs filatures dont elle a retenu le caractère licite motif pris de ce que ces filatures ne se seraient pas poursuivies jusqu'au domicile de M. X... et n'auraient donc pas porté atteinte à sa vie privée ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel qui a ajouté une exception, liée à l'absence d'atteinte à la vie privée du salarié dès lors que ces filatures ne s'étaient pas poursuivies jusqu'à son domicile, au principe qui n'en comporte pourtant pas, de l'illicéité de tels modes de preuve, reposant sur des actes de contrôle et de surveillance de salariés à leur insu, a violé les articles L. 1121-1 du code du travail, 9 du code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;


2°/ qu'en toute hypothèse, deux des griefs formulés à l'encontre de M. X... dans la lettre de licenciement portaient sur son entrée dans l'immeuble d'une collègue, d'une part, et sur sa visite d'un magasin Foir'Fouille à des fins personnelles pendant son temps de travail, d'autre part ; que pour déclarer le licenciement de M. X... justifié par une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel s'est fondée sur les rapports du personnel de surveillance qu'elle a déclarés licites motif pris de ce qu'ils ne porteraient pas atteinte à sa vie privée ; qu'en se déterminant ainsi, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il se déduisait que les actes reprochés ressortaient de la vie privée de M. X... et ne pouvaient donc en aucun cas faire l'objet de mesures de contrôle et de surveillance, à son insu, au regard des articles L. 1121-1 du code du travail, 9 du code civil et 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'elle a ainsi violés ;


3°/ que toute décision doit être motivée ; que, pour déclarer le licenciement de M. X... justifié par une cause réelle et sérieuse, la cour d'appel s'est bornée à énoncer qu'au vu des pièces produites par l'employeur, les manquements invoqués contre le salarié étaient établis et caractérisés ; qu'en se prononçant ainsi, sans motiver cette assertion par un examen même sommaire desdits manquements, à travers les éléments de preuve produits par les parties à l'appui de leurs contestations respectives, la cour d'appel n'a pas motivé sa décision, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;


4°/ qu'en cas de litige, le juge à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties ; qu'en se bornant, pour déclarer le licenciement de M. X... justifié par une cause réelle et sérieuse, à énoncer qu'au vu des pièces produites par l'employeur, les manquements invoqués contre ce salarié étaient établis et caractérisés, la cour d'appel, par ces considérations sommaires et insuffisantes, ne satisfaisant pas aux exigences légales, a privé son arrêt de base légale au regard de l'article L. 1235-1 du code du travail ;


Mais attendu que le contrôle de l'activité d'un salarié, au temps et au lieu de travail, par un service interne à l'entreprise chargé de cette mission ne constitue pas, en soi, même en l'absence d'information préalable du salarié, un mode de preuve illicite ;


Et attendu qu'ayant relevé que le contrôle organisé par l'employeur, confié à des cadres, pour observer les équipes de contrôle dans un service public de transport dans leur travail au quotidien sur les amplitudes et horaires de travail, était limité au temps de travail et n'avait impliqué aucune atteinte à la vie privée des salariés observés, la cour d'appel a pu en déduire que les rapports "suivi contrôleurs" produits par l'employeur étaient des moyens de preuve licites ;


D'où il suit que le moyen, qui sous le couvert du grief non fondé de violation de la loi ne tend en ses troisième et quatrième branches qu'à remettre en discussion devant la Cour de cassation l'appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de preuve qui leur étaient soumis, n'est pas fondé pour le surplus ;


PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi »

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