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Lettre de licenciement: sans l'aide d'un avocat, on risque de se faire taper sur les doigts

Un employeur avait licencié "pour cause réelle et sérieuse" un salarié en raison de graves griefs : la Cour d'appel avait considéré qu'il y avait bien un licenciement pour faute grave et avait donc justifié le licenciement (la faute grave étant impérative pour licencier un salarié pendant un arrêt de travail pour accident du travail ou maladie professionnelle).


Faux, dit la Cour de Cassation : un juge ne peut aggraver la qualification de la faute retenue par l'employeur, lequel l'avait qualifiée de "cause réelle et sérieuse". Et en l'absence de faute grave dans de telles circonstances, le licenciement était nul.


La sanction est rude et est l'occasion de rappeler l'importance de rédiger la lettre de licenciement, non selon un modèle général, mais d'une façon adaptée aux circonstances de l'entreprise, au risque de se faire taper sévèrement sur les doigts.


A ce titre, il n'est pas inutile de rappeler que la "cause réelle et sérieuse" n'est pas un motif en soi: TOUS les licenciements doivent avoir une cause réelle et sérieuse (licenciement personnel non disciplinaire, licenciement disciplinaire pour faute simple, licenciement disciplinaire pour faute grave, licenciement disciplinaire pour faute grave, licenciement économique); à défaut ils sont sans cause réelle ni sérieuse et ouvrent donc droit à une indemnisation pour le salarié.


Le présent arrêt présente donc à mon sens un employeur à côté de la plaque ... tout comme la Cour de Cassation : l'employeur ne pouvait avoir qualifié son licenciement "pour cause réelle ni sérieuse" puisque seul le juge a ce pouvoir ; l'employeur n'avait à mon sens tout bonnement pas qualifié son licenciement.


Bon, les modèles de lettres de licenciement issus de l'ordonnance Macron n°2017-1387 (décret n°2017-1820 du 29 décembre 2017) ou trouvés sur internet, c'est une chose ... employeurs, pensez à protéger vos droits avant de les défendre et faites appel à un avocat, seul professionnel réellement compétent pour rédiger un document aussi fondamental que la lettre de licenciement.


Cass. Soc. 20 décembre 2017 n°16-17.199


"Vu les articles L. 1226-9 et L. 1226-13 du code du travail ;

Attendu, selon ces textes, qu'au cours des périodes de suspension du contrat de travail du salarié consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle, l'employeur ne peut rompre ce contrat que s'il justifie soit d'une faute grave de l'intéressé, soit de son impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l'accident ou à la maladie, toute rupture du contrat de travail prononcée en méconnaissance de ces dispositions étant nulle ;

Attendu selon l'arrêt attaqué, que M. B... F... a été engagé par la société Manufacture française des pneumatiques Michelin à compter du 9 février 1972 ; qu'en arrêt maladie pour maladie professionnelle, il a été licencié, le 23 septembre 2011, pour cause réelle et sérieuse et dispensé d'exécuter son préavis ;

Attendu que pour dire le licenciement fondé sur le premier motif visé par l'article L. 1226-9 du code du travail, à savoir la faute grave, l'arrêt retient qu'il appartient au juge de donner aux faits invoqués au soutien du licenciement leur véritable qualification, qu'il ne peut être déduit des seuls termes employés après l'exposé des motifs de la lettre : « nous avons décidé de vous licencier pour cause réelle et sérieuse », que le licenciement serait nul pour avoir été prononcé au mépris des dispositions de l'article L. 1226-9 du code du travail, que l'employeur énonçait des faits précis dont il déduisait que les agissements du salarié, « intolérables et inacceptables », devaient entraîner le licenciement, qu'il a entendu se placer sur le terrain disciplinaire et que le licenciement a été prononcé pour une faute grave reprochée au salarié, que ces faits, à savoir des propos à connotation sexuelle, un comportement indécent, des attitudes et gestes déplacés, revêtaient une gravité certaine compte tenu de leur nature même et rendaient impossible le maintien du salarié au sein de l'entreprise ;

Qu'en statuant ainsi, alors que le juge ne peut aggraver la qualification de la faute retenue par l'employeur et qu'elle avait constaté que la lettre de licenciement ne prononçait qu'un licenciement pour cause réelle et sérieuse et non pour une faute grave, la cour d'appel a violé les textes susvisés"



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