Cass. Soc. 10 novembre 2009, n°08-42.674
La Cour de Cassation vient de rendre un arrêt dont l'application pourra laisser dubitatives les entreprises et pour cause.
Auparavant, il ne semblait pas illégitime de considérer que lorsqu'un avis d'aptitude du salarié à son poste de travail était assortir de restrictions telles qu'en pratique, le salarié ne pouvait reprendre son poste sans que d'importantes modifications y soient apportées, un tel avis équivalait à un avis d'inaptitude.
La Cour de Cassation vient de censurer une telle analyse.
Elle considère que l'avis du médecin du travail doit être appliqué strictement et que son appréciation est souveraine, sauf pour les parties à entreprendre un recours à son encontre en saisissant l'inspecteur du travail.
Cette décision ne laisse pas beaucoup de champ d'action aux entreprises, confrontées aux décisions de certains médecins du travail, qui se refusent à donner un avis d'inaptitude pour ne pas être à l'origine d'un éventuel licenciement et ont trouvé la parade de délivrer un avis d'aptitude assorti de restrictions quasi complètes sur le poste de travail actuel.
Cela étant dit, la Cour de Cassation fait là une application stricte des textes du Code du travail et il ne lui appartient pas d'être juge des pratiques des médecins du travail.
Espérons que les contentieux futurs sauront montrer aux médecins du travail qu'une telle pratique constitue un faux-semblant et est faussement protecteur pour le salarié.
Car comment en pratique l'entreprise doit-elle réagir si le salarié refuse les modifications apportées à son contrat de travail pour se plier à l'avis d'aptitude avec restrictions du médecin du travail ?
Et quelles solutions sont proposées à l'entreprise au sein de laquelle le poste tel que décrit par le médecin du travail n'est pas disponible ou n'est pas matériellement envisageable ?
Les médecins du travail ont un important rôle à jouer dans le cadre, d'une façon générale, du bien-être des salariés dans leur vie professionnelle.
Dans ce cadre, une telle pratique des avis d'aptitude avec importantes restrictions me semble éminemment critiquable.
Texte de la décision citée :
« Vu les articles L. 1226-8 et L. 4624-1 du code du travail ; ??Attendu que l'avis du médecin du travail sur l'aptitude du salarié à occuper un poste de travail s'impose aux parties et qu'il n'appartient pas aux juges du fond de substituer leur appréciation à celle du médecin du travail ; qu'en cas de difficulté ou de désaccord sur la portée de l'avis d'aptitude délivré par le médecin du travail, le salarié ou l'employeur peuvent exercer le recours prévu par l'article L. 4624 1 du code du travail ;??Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé le 30 septembre 1977 par la société Aigle, puis à compter du 1er octobre 1987 par la société Hutchinson, en qualité d'agent de production ; qu'à la suite de deux avis de reprise du médecin du travail, le salarié, licencié le 9 septembre 2004 pour inaptitude physique d'origine professionnelle, a demandé la condamnation de l'employeur au paiement d'une somme à titre de dommages et intérêts ;??Attendu que pour rejeter la demande du salarié, l'arrêt, qui relève que le médecin du travail a déclaré celui-ci "apte avec restrictions, pas de manutention difficile, pas de travaux bras en l'air, ni épaules décollées, pas de ponçage, il faut s'orienter vers des travaux légers et divers de lustrage, de retouche, de dégraissage sur table, de chargement-déchargement de chaîne pour des pièces légères faciles à manipuler, aide à l'atelier protos", retient que le salarié, engagé en qualité d'agent de production, avait été affecté à un poste d'agent de finition comportant une multiplicité de tâches distinctes dont il ne pouvait plus, selon ce médecin, exécuter que quelques-unes (dégraissage et retouche) et sous des conditions très restrictives (travaux légers de retouche, dégraissage sur table) et que ces restrictions étaient telles que tout poste pouvant lui être proposé emportait au moins pour partie modification de son contrat de travail, puis déduit de ces éléments que sous couvert d'aptitude avec restrictions, ce salarié avait été déclaré par celui-ci inapte à son emploi ; Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ».
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