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Harcèlement moral: dénonciation, diffamation, calomnie...

Dernière mise à jour : 16 mars 2018

Cass. Civ 1ere 28 septembre 2016 n°15-21.823


La dénonciation, par le salarié qui s’en prétend victime, d’agissements répétés de harcèlement moral, auprès de son employeur et des organes chargés de veiller à l’application des dispositions du code du travail, ne peut être poursuivie pour diffamation.


En revanche, s’il est établi, par la partie poursuivante, que le salarié avait connaissance de la fausseté des faits allégués, la qualification de dénonciation calomnieuse peut être appliquée.


« Vu les articles L. 1152-2, L. 4131-1, alinéa 1er, du code du travail et 122-4 du code pénal, ensemble les articles 29, alinéa 1er, et 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ;


Attendu qu'il résulte de la combinaison des trois premiers de ces textes que les salariés sont autorisés par la loi à dénoncer, auprès de leur employeur et des organes chargés de veiller à l'application des dispositions du code du travail, les agissements répétés de harcèlement moral dont ils estiment être victimes ;


Que, selon une jurisprudence constante, les imputations diffamatoires sont réputées, de droit, faites avec l'intention de nuire (Crim., 19 novembre 1985, pourvoi n° 84-95.202, Bull. Crim. 1985, n° 363 ; 2e Civ., 24 février 2005, pourvoi n° 02-19.136, Bull. Civ. 2005, II, n° 48) ; que, si la partie poursuivie pour diffamation a la faculté d'offrir la preuve de la vérité des faits diffamatoires, conformément à l'article 35 de la loi du 29 juillet 1881, cette offre de preuve est strictement encadrée par l'article 55 de la même loi ; que, si cette partie a encore la possibilité de démontrer l'existence de circonstances particulières de nature à la faire bénéficier de la bonne foi, il lui appartient d'en rapporter la preuve, laquelle suppose de justifier de la légitimité du but poursuivi, de l'absence d'animosité personnelle, de la prudence dans l'expression et de la fiabilité de l'enquête (2e Civ., 27 mars 2003, pourvoi n° 00-20.461, Bull. Civ. 2003, II, n° 84) ; que la croyance en l'exactitude des imputations diffamatoires ne suffit pas, en revanche, à reconnaître à leur auteur le bénéfice de la bonne foi ;


Que ces exigences probatoires sont de nature à faire obstacle à l'effectivité du droit, que la loi n° 2002-73 du 17 janvier 2002 de modernisation sociale a reconnu au salarié, de dénoncer, auprès de son employeur et des organes chargés de veiller à l'application des dispositions du code du travail, les agissements répétés de harcèlement moral dont il estime être victime ;


Que, dès lors, la relation de tels agissements, auprès des personnes précitées, ne peut être poursuivie pour diffamation ;


Que, toutefois, lorsqu'il est établi, par la partie poursuivante, que le salarié avait connaissance, au moment de la dénonciation, de la fausseté des faits allégués, la mauvaise foi de celui-ci est caractérisée et la qualification de dénonciation calomnieuse peut, par suite, être retenue ;


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que Mme X... a exercé les fonctions d'employée polyvalente au sein des cuisines d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, dont le marché de restauration avait été repris, en 2010, par la société Dupont restauration (la société) ; que, soutenant avoir été victime de harcèlement moral de la part de MM. Y... et Z..., exerçant, respectivement, les fonctions de chef de cuisine et de chef de section, elle a envoyé, le 28 décembre 2010, au directeur des ressources humaines de la société, une lettre dénonçant ces faits, dont elle a adressé une copie au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, et à l'inspecteur du travail ; qu'estimant que les propos contenus dans cette lettre étaient diffamatoires à leur égard, la société et MM. Y... et Z... ont assigné Mme X..., sur le fondement des articles 29, alinéa 1er, et 32, alinéa 1er, de la loi du 29 juillet 1881, pour obtenir réparation de leurs préjudices ;

Attendu que, pour accueillir les demandes de MM. Y... et Z..., l'arrêt retient que, si les articles L. 1152-1 et suivants du code du travail ont instauré un statut protecteur au bénéfice du salarié qui est victime de harcèlement moral, ces dispositions n'édictent pas une immunité pénale au bénéfice de celui qui rapporte de tels faits au moyen d'un écrit, de sorte que son rédacteur est redevable, devant le juge de la diffamation, de la formulation de ses imputations ou allégations contraires à l'honneur ou à la considération des personnes qu'elles visent ;


Qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés »

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