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Harcèlement moral: que contrôlent les juges?

Dernière mise à jour : 22 mars 2018

Cass. Soc 8 juin 2016 n°14-13.418


Réorientation de la jurisprudence de la Cour de Cassation en matière de contrôle des juges du fond quant à la qualification de harcèlement moral :

  • si la cour d’appel a exactement appliqué le mécanisme probatoire prévu par l’article L. 1151-1 du Code du travail, elle est souveraine en son appréciation de l’existence ou non du harcèlement moral

  • à défaut, la Cour de Cassation la sanctionne pour application erronée du mécanisme probatoire.


En d’autres termes, la Cour de Cassation, après de longues années à construire sa jurisprudence, en revient à un contrôle en droit et non plus en fait du harcèlement moral.


« Attendu que, sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement


Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de ses demandes tendant à voir dire qu'elle a été victime d'un harcèlement moral et à voir prononcer la nullité, ou à tout le moins, l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement, et à voir condamner l'employeur à lui payer des sommes à titre d'indemnités, alors, selon le moyen :


1°/ qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; que lorsque survient un litige relatif à l'existence d'un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a retenu que la salariée avait produit des éléments de nature à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que pour débouter la salariée de ses demandes, la cour d'appel a néanmoins considéré que les éléments produits par la salariée n'étaient pas établis ; qu'en statuant ainsi, alors qu'il lui appartenait de rechercher une fois les faits laissant présumer le harcèlement établis, si, conformément à la loi, l'employeur pouvait justifier objectivement les décisions prises par des éléments étrangers à toute discrimination, la cour d'appel a fait peser la charge de la preuve sur la salariée, violant ainsi les articles 1315 du code civil et L. 1154-1 du code du travail ;


2°/ qu'au surplus, en considérant que les éléments produits par la salariée laissaient présumer l'existence d'un harcèlement et dans le même temps que ces éléments n'étaient pas établis, la cour d'appel a statué par des motifs contradictoires, violant ainsi les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ainsi que 455 du code de procédure civile ;


3°/ enfin que, lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; qu'en l'espèce, la salariée prétendait avoir été victime d'un harcèlement moral ; que pour justifier sa demande, elle produisait un ensemble d'éléments ; que pour débouter la salariée, le conseil de prud'hommes a considéré que celle-ci ne fournissait aucun élément de fait de nature à justifier sa demande ; qu'en statuant ainsi, alors même qu'il lui appartenait de vérifier non seulement si les éléments produits par la salariée étaient établis mais encore si ces éléments pris dans leur ensemble n'étaient pas de nature à laisser présager l'existence d'un harcèlement moral, le conseil de prud'hommes a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;


Mais attendu qu'aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ; qu'en vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement ; qu'au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;


Attendu qu'il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail ; que, dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;


Attendu que, sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement ;


Et attendu qu'après avoir exactement rappelé le mécanisme probatoire prévu par l'article L. 1154-1 du code du travail, la cour d'appel, qui sans se contredire, a souverainement retenu que la salariée établissait des faits permettant de présumer l'existence d'un harcèlement moral mais que l'employeur justifiait au soutien de ses décisions d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, a décidé, dans l'exercice des pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 1154-1 du code du travail, qu'aucun harcèlement moral ne pouvait être retenu »


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